Colloque droit de la famille organisé en 2006 par l'Association de Juristes en Polynésie française

La plainte

Question sur les sanctions par Sabrina Birk
"parce qu’il faut savoir que la peine de prison est très difficile à accepter en couple. Avez-vous réfléchi sur d’autres peines que la peine de prison et comment elles peuvent être respectées ? Parce que je vais vous dire ce que je connais. Effectivement, vous abordez le sujet de la plainte. J’ai déposé plainte en juin et mon affaire n’est toujours pas jugée. Je suis la victime, je devais passer au tribunal le 4 octobre et ça a été repoussé au mois de février. Entre l’audience et la décision, on ne peut pas rentrer chez soi parce qu’on a peur et qu’une décision de justice n’a pas été prise. La décision de justice est souvent trop longue à attendre et entre temps des choses peuvent se passer. C’est une lacune de votre part."

Autre chose : Vous avez mis en place des séminaires pour des problèmes de la route notamment pour les gens qui conduisaient mal. Vous pourriez peut-être mettre en place des séminaires pour les violences conjugales, c’est-à-dire des séminaires à l’université pour les agresseurs et les victimes où ils pourraient apprendre à mieux vivre ensemble et, également, que les agresseurs se retrouvent entre eux et apprennent à sortir de ces actes, pouvoir lui offrir un nouveau logement, parce que la difficulté de ces plaintes, c’est cette peur de la prison, surtout quant on connaît Nuutania. Ce n’est vraiment pas quelque chose qui soigne ...
Peut-on porter plainte ailleurs qu’à la gendarmerie ? Parce que, là aussi, on a du mal à aller porter plainte à la gendarmerie. Quand j’ai porté plainte en juin, l’agresseur était dans la salle à côté, j’avais la trouille. C’est effrayant pour la victime. La gendarmerie n’a pas la sensibilité vis-à-vis des violences conjugales et on se demande si on ne pourrait pas porter plainte ailleurs qu’à la gendarmerie ?

Franck ZIENTARA, répond d’abord à la dernière question :
Effectivement on a des services enquêteurs en police et en gendarmerie qui peuvent recueillir les plaintes. Vous avez la également la possibilité d’écrire au procureur de la République, mais cela reviendra finalement au même parce que la victime sera entendue par un officier de police judiciaire, de même que l’auteur, qu’une enquête devra être diligentée soit auprès des services de police, soit auprès des services de gendarmerie, qui sont sensibilisés à la question des violences conjugales, et qui essaient aussi de réfléchir sur l’accueil des victimes. Je ne pense pas qu’il faille stigmatiser un service par rapport à un autre. Il y a des enquêteurs différents qui ont une attitude différente avec les victimes. Je crois que c’est quelque chose qui est lent et qui doit rentrer dans les mœurs mais, à chaque fois qu’il y a des réunions avec les gendarmes et les policiers, on insiste sur l’accueil des victimes, sur le fait qu’il faut les mettre en confiance, séparer agresseur et agressé ; donc ça fait partie du B-A-BA. Je crois que les services de police et de gendarmerie commencent à prendre cela en main. Mais , on ne peut pas faire l’économie d’une enquête. On est obligé de rassembler un certain nombre d’éléments pour démontrer la réalité de l’infraction. Ca c’est le premier point.

Le deuxième point, sur votre situation : Les faits se sont passés en juin et l’audience est prévue en octobre. Juin octobre c’est la date de la COPJ, donc c’est relativement court mais on ne peut pas moins. En effet, actuellement, au tribunal, compte tenu de la charge des audiences, l’audiencement des affaires se fait avec un délai de 8 mois en moyenne. On a une charge au niveau du tribunal correctionnel et on a un problème au niveau des audiences. On essaie de notifier une COPJ aux dates d’audience qui sont disponibles. Les juges ne peuvent pas non plus siéger de 8 heures du matin jusqu’à 21 heures. En ce qui concerne votre dossier, il y a eu un problème d’ordre administratif qui a justifié le renvoi et à cet égard plusieurs dossiers de cette audience ont été renvoyés, je le déplore mais c’est ainsi. Mais ce n’est pas le cas de la majorité des dossiers.

Enfin, Sur les stages, c’est effectivement quelque chose qui pourrait être mis en place. C’est une bonne idée et qu’il faut creuser en tout cas.
Réponse de M. Farhan YAZDANI.
Vue par un médecin, une procédure réussie est une procédure qui n’aboutit pas à un procès. Je veux dire que si un médecin fait intervenir la justice, il serait souhaitable qu'il suffise au magistrat de froncer les sourcils pour que les contrevenants retrouvent le droit chemin. Je pense qu’il y a un effet régulateur ou préventif dans la présence même de la police et de la justice. Comme pour la prévention routière, on pourrait inventer le permis de mariage à points; ce serait peut-être une idée à creuser sérieusement. Il n’y a aucune raison de laisser les gens s’imaginer qu'en passant devant le maire, tout devient possible dans une liberté totale. Il faut peut-être, plutôt que de créer des foyers pour les femmes battues, créer des foyers pour éloigner les hommes agressifs; sérieusement, ce n’est pas une plaisanterie ni une boutade. Pourquoi enlèverait-on la femme et les enfants d’une maison pour que le mari violent puisse y vivre ? On peut concevoir plutôt son éviction hors de la maison, c'est à dire, éloigner le mari violent de la maison pendant quelques mois en le plaçant dans un foyer où il aurait des cours de gestion familiale. On peut l'éloigner de la maison pendant six mois par exemple, en lui disant que, si vous vous comportez calmement et discutez gentiment, vous pourrez recommencerez à revoir vos enfants ; peut-être ensuite vous pourrez avoir l’autorisation de manger ensemble, et peut-être ensuite rentrer à la maison.
La vision de la médecine est une vision de traitement et de prévention. La vision de la justice est identique, mais à l’échelle sociale. La sanction devrait être perçue comme un traitement et non comme une forme de vengeance. Le magistrat et le médecin font presque le même travail : l’un soigne le corps physique, l’autre soigne le corps social. Il faut une collaboration entre les deux. On sait que l’OMS, dans sa constitution de 1948, annonce que la santé n’est pas simplement une absence de maladie, mais un état de bien être complet : biologique, psychologique et social. Nous devons donc agir simultanément sur tous ces facteurs.