Colloque droit de la famille organisé en 2006 par l'Association de Juristes en Polynésie française

Attitude du corps médical

Question de Mme ADAMS :
Il m’a été demandé à moi, personnellement, de défendre les femmes qui arrivent au centre pour des problèmes de harcèlement psychologique. Donc j’appelle souvent les médecins personnellement pour leur dire « Trouvez moi un vocabulaire par rapport à cette dame puisque là vous avez devant vous une femme que je vous envoie ». Malheureusement, le corps médical n’est pas encore adapté à cette attitude là. Certains médecins qui me connaissent savent que je ne mens pas, que je ne raconte pas n’importe quoi, de par ma réputation de battante et de militante pour les femmes. Donc je leur ai suggéré, je ne sais pas si, juridiquement c’est apprécié, le terme de « syndrome » qui mène à l’état dépressif et vous mettez une ITT de pas moins de 8 jours. Les médecins me suivent à la lettre et, en conséquence, j’ai reçu par fax une attestation d’hébergement comme quoi la femme est bien présente dans mon établissement Voilà comment je me débrouille et, pour le moment, je n’ai pas de problème et les gendarmes prennent mes plaintes.
Mais, malheureusement, au niveau du tribunal, les hommes sont condamnés à peine à trois mois de prison. Parce que le harcèlement psychologique a un rapport avec le viol, parce la femme est régulièrement violée. Quand il va à un endroit, chez son patron, dans une entreprise, il est agressé par le patron. Il revient à la maison, il se venge sur sa femme, il viole sa femme ou sa concubine et devant les enfants. Voilà les conséquences du harcèlement psychologique de la femme et souvent, les hommes qui ont des maîtresses aussi à l’extérieur et que la maîtresse l’envoie ch…, il revient à la maison et il viole sa femme. Je lui conseille alors d’aller voir le médecin, de lui dire qu’elle est harcelée psychologiquement puisque elle est sa femme et que le viol n’est pas reconnu.
Même pour les femmes qui ont porté plainte pour viol, leur mari a été condamné à trois mois seulement parce que, justement, le viol n’est pas encore bien compris au tribunal.

Farhan YAZDANI :
Cela prouve que les différents secteurs n’ont pas encore appris à travailler en collaboration ou en réseau. Vous devriez pouvoir envoyer la victime vers le médecin, qui la renvoie vers vous ou vers le psychiatre, ou encore vers l’assistante sociale, qui la dirige vers le tribunal ou vers l’avocat etc.. Ces réseaux sont à construire et on peut dire que en dix ans le travail, ce qui a été fait est déjà remarquable. C’est très encourageant et il faudrait que nous continuions dans cette voie. Mais je pense que ce travail d'équipe multi-disciplinaire ou inter-disciplinaire demande aussi une formation. Dans les enquêtes, on remarque que 60 % des médecins estiment ne pas avoir eu de formation suffisante pour s'occuper de ces problèmes. Pourquoi ? C’est parce que le médecin qui, en 20 minute ou en une demi heure fait une consultation, peut avoir besoin de passer 2 ou 3 heures pour écouter une victime, ce qui le conduit à délaisser ses autres patients. Quand on a écouté une victime pendant 1 heure, on se sent vidé. Le médecin a besoin de savoir où il peut orienter la victime. Je remercie votre association. Je donne aux victimes votre livret, je donne des adresses ; c’est une façon de faire circuler ces problèmes pour que tous les acteurs puissent jouer leur rôle. Et je pense que peut-être, après ce que vous venez de dire ici, il faudrait s'adresser à l’ordre des médecins, car l’ordre des médecins est aussi responsable de la compétence et de la formation des médecins. Et nous pouvons, et nous devons, sur le territoire, organiser des réunions médicales pour faire prendre conscience de ces problèmes.