Colloque droit de la famille organisé en 2006 par l'Association de Juristes en Polynésie française

Accueil des victimes

Question :
Nous avons une femme qui arrive chez vous, victime de violences conjugales, qui s’est réfugiée dans un centre d’accueil pour femmes battues parce que c’est le seul moyen qu’elle a trouvé pour s’éloigner de son mari violent. Lorsqu’il est avéré qu’elle a subi des violences physiques, mais qui ne sont que la conséquence de toute une démarche de violences verbales, psychologiques, comme le disait Sandra, l’encourager à porter plainte, cela suppose que, nous-mêmes, nous ayons une procédure qui soit claire. Et, souvent, le problème avec la justice, c’est qu’on ne sait pas à qui s’adresser et si on doit se retrouver avec d’autres collègues de votre juridiction qui n’auront pas forcément la même vision que vous, ça va décrédibiliser l’action (inaudible…) parce que si elles n’arrivent pas à obtenir satisfaction, c’est à dire l’éloignement du conjoint violent du domicile conjugal qu’elle a dû quitter sous la violence, à ce moment là ça va décourager les femmes à porter plainte. Et nous, qui devons travailler pour la réinsertion de cette femme qui doit se remettre de ce problème, en même temps, on a l’homme dans nos bureaux, parce que c’est aussi le cas. Il faut que, si je lui développe l’arsenal judiciaire qui risque de lui tomber sur la tête s’il persévère dans ce domaine là, il faut que ça soit du réel, du vécu. Parce que, si je lui dis qu’il risque ça et que finalement il s’aperçoit qu’il ne risque rien, on est décrédibilisés. Il y a aussi une notion de rapidité dans les situations où il y a une violence physique et si cette rapidité n’existe pas lorsqu’une femme est obligée de partir de chez elle, à ce moment là, on ferme toutes les portes pour que cette personne puisse vouloir porter plainte et, deuxièmement, ça nous ferme aussi une porte dans notre action, parce qu’il y a un arsenal qu’on ne pourra pas utiliser parce que, quelque part, on ne sait pas comment ça se passe et qui est le référent. Quand quelqu’un demandait si on ne pouvait pas porter plainte ailleurs qu’à la gendarmerie ou dans un commissariat, ce n’est pas l’institution en tant que force de l’ordre qui est (inaudible), c’est le lieu en lui-même qui n’encourage pas les gens à venir là. C’est ça qui pose problème. Je vois par exemple une association comme Te Rama Ora qui traite des violences conjugales, est-ce que au sein de Te Rama Ora l’institution judiciaire ou l’institution officielle ne peut pas mettre à disposition au moins un bureau d’accueil pour que les femmes ne soient pas obligées d’aller dans un commissariat ou dans un poste de gendarmerie pour déposer une plainte. Parce que je crois que s’il y a un Officier de Police Judiciaire qui est disponible à des heures précises avec des modalités qu’on pourra déterminer mais qui pourra recevoir des plaintes à ce niveau là, dans une certaine discrétion sans avoir le risque d’avoir l’agresseur juste à côté, je pense qu’il y aura beaucoup plus de plaintes qui seront déposées parce qu’il y aura un certain accueil qui pourra être fait au niveau de ces femmes là et qui pourront nous aider après dans la suite des événements.

Réponse : Franck ZIENTARA : C’est une vaste question, notamment celle de l’accueil des victimes. Comme je le disais tout à l’heure, au niveau de la gendarmerie et aussi au niveau de la police, on les sensibilise sur cette question. Il y a aussi un problème lié aux moyens. Vous dépeignez une situation idéale où il y aurait un accueil particulier pour ce type de victimes. C’est ce vers quoi il faut tendre, en l’état ce n’est pas effectivement le cas. L’ensemble des policiers et l’ensemble des gendarmes susceptibles de recevoir les plaintes, dans différentes infractions, notamment celles là, ont des formations, il y a des gens qu’on va essayer de sensibiliser sur ces questions, les former. Sur la réponse judiciaire. Elle dépend des directives, des orientations.

Deuxième point, les collègues qui interviennent dans le cadre des permanences pénales ont ces orientations là aussi, donc ils les suivent.

3ème élément : chaque affaire n’est pas identique. à une autre Donc le magistrat, le policier, le gendarme va réagir en fonction des éléments qu’il va avoir et le magistrat du parquet va réagir en fonction des éléments qu’on va lui transmettre. Donc chaque affaire n’est pas identique. Pour un dossier, vous vous attendez à ce qu’il y ait une poursuite, et, en fait, compte tenu des éléments qu’on a dans le dossier et que vous n’avez pas, on va prendre une autre décision. Et vous allez considérer de l’extérieur, effectivement, que ce n’était pas la bonne décision, mais c’est la décision qu’on a prise en fonction d’un ensemble d’éléments.

Autrement sur le référent en violences conjugales au niveau du procureur de la république, c’est moi-même. Je ne fais pas toutes les permanences, je ne suis pas de permanence tout le temps ; les collègues qui sont de permanence agissent en fonction de leurs sentiments propres. Par contre, tous les courriers qui sont adressés sur ces contentieux d’ordre conjugal, viennent sur mon bureau. C’est moi qui les traite. Par contre lorsqu’il y a une plainte, qu’il y a urgence et que c’est dans le cadre d’une permanence, un samedi ou un dimanche, la police ou la gendarmerie en réfère au magistrat de permanence qui prend une décision et la rapidité de la décision, c’est la COPJ dont je vous parlais tout à l’heure. La comparution immédiate entraîne des difficultés parce qu’il faut réunir trois juges, que ce n’est pas toujours évident parce que c’est le week end etc. L’intérêt de la COPJ est qu’on a une convocation à une date d’audience, avec la difficulté que signalait tout à l’heure Madame BIRK qui est le délai, mais là, c’est difficile de compresser parce qu’on a des problèmes de contingence, et on ne peut pas alourdir considérablement les audiences. Mais c’est vrai que vous pouvez avoir parfois le sentiment que des décisions ne sont pas toujours adaptées à ce que vous voyez, mais nous avons des éléments que vous n’avez pas. Vous avez la version de la victime alors que le policier ou le gendarme a la version des deux. Il a fait un compte rendu avec la version des deux.